À chaque passage au supermarché, des rayonnages entiers de snacks industriels séduisent par leur praticité et leurs promesses gourmandes mais comment comprendre les étiquettes produits ? Chips aromatisées, biscuits salés, cacahuètes épicées, crackers au fromage… Ces produits se dégustent les yeux fermés devant la télévision ou lors d’un apéritif improvisé. Pourtant, bien souvent, nous ignorons ce que nous avalons réellement. Les étiquettes, là pour informer le consommateur, semblent parfois rédigées dans un langage codé réservé aux initiés.

Certaines personnes s’imaginent, à tort, qu’un snack vendu dans une jolie boîte colorée est de fait sain ou au moins inoffensif. Mais lire, interpréter et comprendre les allégations, la liste des ingrédients, et la valeur nutritionnelle d’un snack industriel demande un savant mélange de lucidité et de curiosité.

L’art de lire la liste d’ingrédients

Face à une étiquette de snack, l’œil repère d’abord une liste d’ingrédients. Le réflexe le plus simple consiste à compter le nombre d’éléments énumérés. Une règle générale : plus la liste est longue et complexe, plus le produit est transformé.

Par exemple, un simple « crackers au blé complet » devrait normalement contenir :

  • Farine de blé complet
  • Eau
  • Sel

En réalité, on découvre souvent toute une série :

  • Farine de blé complet, farine de blé, huile de palme, sucre, sirop de glucose, poudre à lever (carbonates de sodium), émulsifiants (lécithine de soja), arômes artificiels, exhausteur de goût (glutamate monosodique), conservateur (sorbate de potassium).

Les premiers ingrédients de la liste sont utilisés en plus grande quantité. Si le sucre ou l’huile figure dans le trio de tête, attendez-vous à un produit riche… mais pas nécessairement en nutriments essentiels.

Les ingrédients suspects à surveiller

Certains additifs suscitent la polémique et sont régulièrement pointés du doigt :

  • Glutamate monosodique (E621) : exhausteur de goût, parfois accusé de provoquer des réactions indésirables
  • Colorants comme E102 ou E129 : certains sont déconseillés pour les enfants
  • Huiles hydrogénées ou partiellement hydrogénées : sources d’acides gras trans nocifs pour la santé cardio-vasculaire
  • Arômes artificiels : cachent souvent la faible qualité du goût de base

Comprendre les valeurs nutritionnelles

L’étiquette présente souvent une table de valeurs nutritionnelles, structurée de manière uniforme pour tous les produits. On y trouve, pour 100g ou par portion :

  • Énergie (en kilojoules et kilocalories)
  • Matières grasses (dont saturées)
  • Glucides (dont sucres)
  • Protéines
  • Sel

Regardons un exemple fictif de tableau pour des chips aromatisées :

Valeurs nutritionnellesPour 100gPar portion (30g)
Énergie520 kcal156 kcal
Matières grasses33 g10 g
dont saturées3,2 g0,96 g
Glucides53 g16 g
dont sucres2 g0,6 g
Protéines6 g1,8 g
Sel1,7 g0,5 g

Cette densité énergétique élevée est typique des snacks industriels, à cause du gras ajouté lors de la fabrication (huile de tournesol, huile de palme).

Quelques chiffres à retenir

  • Une portion « raisonnable » d’un snack est souvent bien inférieure à ce que l’on grignote réellement devant un film : l’équivalent d’une poignée de chips ou 4-5 biscuits salés.
  • L’apport quotidien recommandé en sel pour un adulte est de 5 à 6 grammes selon l’OMS. Une petite portion de chips équivaut déjà à près de 10 % de cette quantité.
  • Le sucre n’est pas seulement présent dans les biscuits ; même les snacks salés peuvent en contenir.

Les allégations marketing : décryptage

« Source de fibres », « pauvre en matières grasses », « sans conservateur »… Les emballages rivalisent d’astuces pour rassurer ou attirer le consommateur. Pourtant, un snack annoncé comme « sans huile de palme » n’est pas forcément sain pour autant : il peut contenir plus de sel ou de sucre pour compenser en goût.

Attention aussi à l’emploi du mot « naturel » : il n’existe aucune définition stricte de ce terme dans la réglementation européenne, contrairement aux termes biologiques (« bio »), qui sont encadrés.

Voici quelques exemples d’allégations fréquemment lues :

  • “Allégé en matières grasses” : le produit reste souvent riche en sucre ou en sel
  • “Riche en protéines” : ne garantit pas la qualité des protéines ou l’absence d’additifs
  • “Sans colorant artificiel” : les colorants naturels peuvent également avoir des effets indésirables

Il est donc capital de vérifier la liste des ingrédients et le tableau nutritionnel plutôt que de se fier uniquement au marketing.

Additifs, conservateurs : pourquoi sont-ils là ?

L’industrie utilise de nombreux additifs pour garantir la texture, la conservation, la couleur ou le goût. Certains, comme le sorbate de potassium ou l’acide citrique, sont sans effet notable sur la santé sauf en cas de consommation très élevée. D’autres, en revanche, préoccupent davantage.

Parmi les plus courants :

  • Les antioxydants (par exemple E300, l’acide ascorbique) ralentissent l’oxydation, évitant que les produits rancissent.
  • Les agents de texture comme les gélifiants (E406 : agar-agar), épaississants, émulsifiants.
  • Les conservateurs prolongent la durée de vie des snacks, mais leur accumulation inquiète certains nutritionnistes, notamment chez les jeunes enfants.

La mention « sans conservateur » ne garantit pas une fabrication artisanale ; la pasteurisation, la stérilisation ou l’emballage sous vide jouent aussi ce rôle, tout en permettant d’indiquer « sans conservateur » sur la boîte.

L’attirail des arômes et colorants

Le goût intense d’un snack industriel provient rarement des aliments de base. Plutôt que d’utiliser des épices ou du fromage en grandes quantités, les fabricants font appel aux arômes (naturels ou artificiels).

Les arômes dits « naturels » sont extraits de sources naturelles, mais n’ont pas obligation de provenir de l’aliment mis en avant sur l’emballage. Par exemple, l’arôme barbecue peut être obtenu à partir de levures et non de viande grillée.

Quant aux colorants, certains sont d’origine végétale (caroténoïdes), d’autres sont synthétiques, parfois controversés du point de vue sanitaire. Les chips à la couleur jaune ou les biscuits teintés sont rarement ainsi grâce à la matière première mais bien grâce à ces additifs.

Sucres et édulcorants cachés

Même dans un snack salé, le sucre se glisse dans la liste des ingrédients, souvent sous des noms trompeurs :

  • Sirop de glucose-fructose
  • Maltodextrine
  • Dextrose
  • Sucre inverti

Pour compenser le retrait du sucre, certains fabricants remplacent par des édulcorants de synthèse ou naturels (stevia, sucralose, aspartame). Ces substituts posent d’autres interrogations : impact sur la satiété, sur le microbiote, ou sur la perception même du goût sucré. Leur effet sur la santé, bien que régulièrement surveillé, reste discuté.

Les graisses, pas toutes égales

L’omniprésence des huiles végétales interpelle. Les industriels privilégient des huiles bon marché (palme, tournesol, coprah), parfois modifiées pour améliorer leur stabilité (hydrogénation). Ce procédé crée des acides gras trans, délétères pour le cœur et les vaisseaux.

Certaines marques misent désormais sur l’huile de tournesol oléique, réputée meilleure que la palme, mais qui ne fait pas pour autant du snack un « aliment santé ». Il convient de regarder aussi la part de graisses saturées, faciles à identifier sur le tableau nutritionnel.

La quantité reste le nerf de la guerre

Un snack, par définition, se consomme rapidement et sans nécessairement prêter attention aux quantités. Pourtant, ce sont rarement les ingrédients pris séparément qui posent problème, mais plutôt la somme des apports au fil du grignotage.

  • Un sachet individuel paraît petit, mais cumulé à d’autres snacks lors d’une soirée, les calories et le sel montent en flèche.
  • Les formats familiaux encouragent la consommation. Le principe est simple : plus il y en a, plus on en mange.
  • Les produits « allégés » n’incitent pas à limiter la quantité consommée, car ils déculpabilisent l’acte de grignoter.

Les alternatives plus naturelles et astucieuses

Il reste possible de trouver des encas industriels aux ingrédients simples, à la liste courte et compréhensible. Certains fabricants réinventent la pause apéritive avec :

  • Des mélanges de fruits à coque et graines sans sel ni sucre ajoutés
  • Des chips de légumes séchés à l’huile d’olive
  • Des crackers à la farine complète et à l’huile de colza pressée à froid

Un système d’étiquetage simplifié comme le Nutri-Score aide à faire des choix par comparaison rapide, mais il ne remplace pas une lecture critique de l’étiquette complète.

Prendre le temps de retourner la boîte ou le sachet et de s’interroger sur la provenance et la composition du produit n’est plus un luxe, mais une forme de conscience. Ainsi, même dans un univers industriel, il existe des manières de grignoter plus malin, tout en préservant sa gourmandise et son bien-être.

La prochaine fois qu’un snack attire l’œil, se rappeler de ce que signifie une étiquette, c’est s’offrir la possibilité d’une pause à la fois savoureuse et transparente.